Paroles de La Linote

Dominique Babilotte
Née des amours du Rhône et de la Saône, la Linote, charmante petite rivière
, prît sa source un clair matin d ' hiver . Gâtée et dorlotée par sa mère la Saône, elle devint vite un charmant ruisselet puis un ravissant petit ruisseau ." Petit ruisseau deviendra grand" lui murmurait parfois le vent . En effet, elle grandit et de charmant ruisselet devint une ravissante petite rivière . Ah ! La jolie petite rivière que la Linote et comme son nom lui allait bien : gracieuse, fine, claire et limpide avec un teint transparent qui lui donnait l 'aspect d'infinie pureté . Un peu étourdie aussi . Elle courait, s'étirait, serpentait à travers les vignes, s'asseyant parfois sur un banc de galets pour se laisser aller à la caresse du soleil ; les peupliers sur son passage pleuraient des larmes de joie et d'émotion . La nuit, la lune lui prêtait pour jouer ses plus beaux reflets d'argent et n'omettait jamais de lui laisser en s'en allant, un croissant pour son petit déjeuner . Et puis un jour ...
Un jour qu'elle avait une course plus longue que d'habitude, elle aperçut au détour d'un rocher un magnifique torrent qui dévalait à toute allure . Elle s'arrêta, le flot battant, le souffle coupé ...C'était le coup de foudre ! Et la nuit suivante, le beau torrent vint la rejoindre dans son lit . Il la quitta au petit matin avec la promesse de confluer légalement avec elle . Hélas, promesse de torrent, autant en emporte le vent, il disparut et la petite Linotte, inconsolable se mit à dépérir . Elle devint grise, trouble, puis verte . Des plis, des rides, des sillons flétrirent sa surface jadis si limpide, si pure . En vain, son oncle, le gave d'Oloron lui envoya-t-il ses plus belles pierres, elle s'étiolait
De plus en plus . Et puis un matin d'hiver, comme ivre de douleur, rugissante comme une lionne blessée, elle sortit de son lit malgré le froid glacial et fonça droit devant elle . Elle emporta tout sur son passage : ponts, barrages, troncs d'arbres, tout fut balayé comme fétu de paille . Son père le Rhône, fit un détour pour tenter de lui couper la route . Elle se blottit contre une écluse, se cacha derrière une vallée et courut pour enfin se jeter dans l'Atlantique . Tous les cours d'eau, alertés, par les sirènes et les tritons, se mirent à sa poursuite, mais trop tard . La petite Linotte en une ruée sauvage se jeta dans l'océan qui l'engloutit à jamais . Le Rhône et la Saône prirent le deuil et se couvrirent de brouillards épais . Longtemps leurs flots demeurèrent noirs et les bateliers se signaient en les entendant gronder . Et quelquefois, en mer, un marin étonné s'écrie :" y'a plus d'courant ici, on dirait qu'on est sur de l'eau morte ! " - Eh oui, brave marin, de l'eau morte . C'est l'âme de la petite Linotte qui remonte de temps à autre pour rappeler aux humains trop sceptiques qu'on peut encore mourir d'amour . Mourir d'amour .
InterprèteDominique Babilotte
Paroles ajoutées par nos membresParoles ajoutées par nos membres